Le défi écologique des soft drinks

Le rayon des softs drinks est en pleine mutation que ce soit dans la formulation des boissons proposées aux consommateurs, dans les modes de distribution ou dans les conditionnements. Les gammes proposées par les industriels (Coca-Cola, PepsiCo, Suntory…) ont beaucoup évolué ces dernières années pour répondre aux nouvelles attentes des consom’acteurs (moins de sucre, plus de naturel) et au cadre législatif (taxe soda, loi AGEC « relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire »).

J’ai réalisé une infographie sur la transformation du rayon des softs drinks pendant mon stage chez In The Memory que vous pouvez consulter sur ce lien. Je voudrais ici parler principalement du défi de la transition écologique pour le secteur des soft drinks.


Le défi écologique des soft drinks

Les boissons sans alcool sont responsable d’une très grande pollution plastique, selon le rapport de Break Free From Plastic cité par Greenpeace : « Pour la troisième année consécutive, Coca-Cola, PepsiCo et Nestlé constituent les principaux pollueurs mondiaux en termes de déchets plastiques ». Les 3 leaders de la pollution plastique sont des producteurs de boissons. La bouteille en plastique est un emballage de choix pour les producteurs de softs, et il semble difficile de s’en passer. Des actions ont été engagés pour mettre du plastique recyclé dans les bouteilles, voire proposer du 100% PET recyclé. Néanmoins rien n’indique pour l’instant de vraie réflexion pour sortir du plastique. Car rappelons-le : le meilleur déchet est celui qui n’existe pas.

Pourtant, sur certains autres marchés consistant principalement à emballer de l’eau dans du plastique, les géants font de vrais efforts pour sortir des emballages superflus pétrochimiques. Ils sont poussés par les consommateurs, mais aussi par les marques alternatives qui se développent plus facilement que sur le marché très oligopolistique des soft drinks. Je parle des différents secteurs de droguerie-parfumerie-hygiène comme le gel douche, les soins pour la peau, les produits ménagers ou encore la lessive. Le principal composant de ces produits est l’eau. Cette eau est emballée dans des usines, transportée par camion jusque dans les magasins où elle prend de la place sur les étagères, dans des rayons qu’il faut éclairer. Tant d’efforts et d’énergie, pour au maximum 20% de substances actives (comme les soft drinks finalement). Des start-up comme 900care ou Les Lavandiers, des PME comme Briochin, la marque repère Leclerc ou même des grands comme L’Oréal (sahmpoings DOP) ou Nivea (soins visage solides) se lancent dans des alternatives zéro plastique pour leurs secteurs respectifs. Les cosmétiques et les produits d’hygiène sont facile à faire à la maison à partir de quelques ingrédients, ou être achetés sous forme solide emballées par un simple carton (ou sans emballage du tout !).

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Mais le sujet reste ici les softs drinks, et pourquoi ce secteur semble plus réticent à se passer du plastique. Il faut d’abord noter que le champ des possibles semble ouvert, la startup Bubble It tout comme le confiseur Verquin (avec sa marque Tête Brulée Mix&Kiff) proposent des boissons pétillantes sous forme solide. En versant un petit sachet dans une bouteille d’eau plate, on peut générer une réaction chimique gazeuse et donner le goût souhaité à la boisson. Pour les boissons plates, Waterdrops propose (dans du plastique c’est bien dommage !) de petites capsules qui aromatisent l’eau sans calories. Le géant Pepsi a trouvé sa parade pour réduire l’impact environnemental de ses boissons et propose ses boisons sous la forrme de concentrés à utiliser dans les machines Sodastream, une startup israélienne aquise pour l’occasion qui vend des machines à gazéifier l’eau plate. La consigne est expérimentée par Loop et Carrefour à Paris avec le concours de Coca-Cola notamment. De nombreuses choses semblent possibles… et pourtant rien ne se passe ?

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 La bouteille, un important symbole de marque

Tout le monde connait la forme d’une bouteille de Coca-Cola. Certaines marques comme Orangina ont également su se distinguer par l’originalité de la forme de leurs bouteilles. Ce constat est encore plus flagrant dans le domaine des spiritueux par exemple où le design de la bouteille en verre fait partie intégrante de l’identité de marque. Abandonner les bouteilles en plastique est donc difficile pour les industriels de softs drinks, qui y verraient la perte d’un élément majeur de différenciation. Ainsi, ils préfèrent pousseur leurs recherches vers la consigne ou les bouteilles en papier, plutôt que de songer à révolutionner leur modèle.


Que fait Coca-Cola ?

Quel est le métier principal de Coca-Cola ? Développer des boissons, des marques, les produire et les distribuer. Mais le fonctionnement capitalistique de Coca-Cola est un peu plus compliqué que cela et explique en partie le problème qu’a cette industrie à se réinventer dans le domaine des emballages. Pour faire simple, la Coca Cola Company développe des boissons et pense la communication, qu’elle vend sous forme de concentrés à d’autres entreprises indépendantes qui mettent en bouteille et assurent la distribution. Ce fonctionnement repose donc sur deux types d’entreprises qui tirent bénéfice l’une de l’autre (malgré un désavantages aux embouteilleurs lié à l’impossibilité de négocier avec les industriels de la boisson : ils sont peu à posséder les marques et beaucoup d’entreprises peuvent mettre en bouteille).

Celui qui vend le Coca-Cola en France par exemple c’est CCEP, un embouteilleur détenu par des capitaux divers (dont la Coca-Cola Company) et côté pour partie en bourse. C’est une entreprise installée et experte dans son métier. Même si elle cherche à réinventer les boissons qu’elle propose afin de mieux coller aux attentes des consommateurs, et que son discours est adapté aux enjeux actuels en matière d’environnement et de santé publique, elle ne veut surtout pas revoir son modèle. Le montage financier ferait disparaître les embouteilleurs si les bouteilles étaient supprimées. De nombreux emplois seraient perdus, ce qui refléteraient probablement une mauvaise image de marque aux yeux du grand public qui ne fait pas spécialement la distinction entre les différentes entreprises qui interviennent dans la chaine de valeur de leur boisson favorite.

Aujourd’hui les embouteilleurs proposent plutôt de rendre « vert » leur métier en adaptant les chaines de production à coup d’investissements massifs pour accepter la mise en canette, le PET recyclé, et peut-être bientôt la bouteille en papier développée par PABOCO. L’idée n’est certainement pas de se passer des bouteilles ou de réinventer radicalement la façon de distribuer les soft drinks.

 

PABOCO

La Paper Bottle Company développe une bouteille composée uniquement de papier, ce qui permettrait de vendre des boissons avec un impact écologique plus faible (emballage biodégradable). Le défi technologique est de taille, mais de grandes entreprises. Se sont engagés pour produire ce contenant de demain. L’Oréal, Carlsberg, Coca-Cola et Absolut participent à l’aventure et les premiers prototypes (avec membrane en plastique !) seront mis sur le marché en 2021. La bouteille réalisée dans de nouveaux matériaux comme le papier ou l’aluminium peuvent être des solutions pour réduire l’impact des boissons sur l’environnement.

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Passer par la canette ?

Les avantages de la canette sont nombreux, elle est fabriquée localement, elle est facile à transporter par palettes, n’engendre pas de perte d’espace, elle est recyclable à 100% et à l’infini et elle ne consomme que très peu d’énergie pour être produite à partir de matière recyclée. D’après La Boite Boisson, un collectif d’industriels français de la canette en aluminium, le format devrait gagner +1 milliards d’unités vendues par an d’ici 5 ans.

Si la canette a des avantages indéniables, il faudrait que le consommateur soit plus averti concernant le recyclage : contrairement au plastique il est rarement indiqué « canette en aluminium recyclé » sur nos boissons. S’il est possible de mettre en avant cette caractéristique cela continuerait probablement à pousser les consommateurs à trier les 3 cannettes sur 10 qui ne sont pas recyclées aujourd’hui. Pour aller plus loin, il faudrait que les industriels s’engagent à ne proposer que peu de cannettes fabriquées avec des matériaux vierges puisque l’aluminium est vendu comme 100% recyclable. Quelques secteurs – notamment l’eau et les softs – profitent de la loi AGEC qui limite l’utilisation des bouteilles en plastique. Dans son début de chasse au plastique Coca-Cola se tourne vers la cannette pour diminuer dans ses chiffres le taux de boissons vendues dans du plastique. CCEP a ainsi lancé Fuze Tea et Tropico en cannettes l’année dernière et propose des innovations comme des Hard Seltzer directement en canettes. D’autre part, le sur-emballage plastique qui regroupe les canettes est de plus en plus remplacé par du carton.

L’inconvénient principal de la canette réside dans sa forme commune à toutes les marques. Même si le design des « slim can » a pu faire office de différenciation un temps, les consommateurs s’y sont habitué et les marques optent désormais facilement pour ce format. Elle permet moins d’identité qu’une bouteille en verre ou en plastique (pensons à nos amies les bières).

 

La consigne : déployée pour le hors-domicile, quid des GMS ?

Se passer du plastique tout en conservant une identité via le contenant serait possible à travers un système de consigne de bouteilles en verre, voire de vente en vrac. Les principaux freins à cette solution sont évidemment les questions logistiques, tant pour les consommateurs dont l’achat impulsif serait atténué que pour les industriels qui devraient organiser la collecte et le nettoyage des bouteilles. Pourtant je pense que ce sont les contraintes qui pèseraient sur les consommateurs qui rendent impossible un déploiement à grande échelle de la consigne pour la grande distribution. En Allemagne la consigne n’a pas forcément permis le développement de contenants réutilisables, elle a surtout permis de collecter un bien meilleur taux des bouteilles mises en vente pour être ensuite recyclées.


Sources :

Étude Xerfi « La fabrication et le marché des Soft Drinks et Jus »

LSA-conso, Rayon-Boisson, Les Echos, Emballages-Magazine, PABOCO

https://laboiteboisson.com/presse/la-canette-lemballage-recyclable-a-linfini-a-85-ans-et-tout-lavenir-devant-elle/

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